A l’aube de mes 13 ans, j’admire ces silhouettes féminines figées, le crayon trop appuyé sur du papier machine :
« C’est ça que je veux faire ».
Dessiner le vêtement.
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A partir de cet instant, le collège, le lycée ne sont que de fades et laborieuses étapes en attendant l’école de mode ! Je dessine, compulsivement, des vestiaires, des corps, encore et encore.
Le Baccalauréat, et un seul vœu d’étude, rien d’autre. Mes parents (insouciants), m’aident à m’installer à Paris avant même que je sois acceptée dans l’unique école désirée, Duperré.
L’entretien de sélection me décourage, mais je n’oublie pas de leur lancer, fébrile : si ce n’est pas pour maintenant, vous me reverrez l’année prochaine.
Arrogante, oui, inconsciente, aussi.
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Je reçois ma lettre d’admission, je pleure. Et j’ai une pensée, pas tendre, pour tous ces professeurs qui, pour justifier leurs propres déconvenues, m’ont trop souvent expliqué que ce métier était une erreur, dans un secteur « bouché », un milieu trop « sélectif ».
Tout est à accomplir, mais je suis précisément à l’endroit où je voulais être. Paris, Duperré ; adieu les blasés.
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C’est la grande vie parisienne.
Mon rêve se déroule sous mes pieds, je trébuche, mais j’aime des autres flamboyants qui me font grandir.
Je perçois aussi la part sombre de cette ville étroite qui pourrait m’absorber, me mettre en boîte.
Une amie m’appelle ; « viens en Belgique, c’est génial, une grande école, le concours est dans deux mois »
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Anvers. Intimidée. Les étudiants sont illuminés par la puissance des jeunes artistes. Trois jours de concours, un entretien durant lequel je frôle le malaise avec un anglais approximatif et un enthousiasme convulsif. Les noms tombent, les candidats aussi ; de déception, de joie.
Je commence à saisir l’importance du moment. Mon nom est cité ; je déménage en Belgique, joyeuse et complètement sonnée.
Des années folles, des victoires personnelles que je ne vivrai peut-être plus jamais, des personnalités qui dépassent mon imagination, l’amitié, une pure créativité et une multitude de nuits blanches.
Poussée dans mes retranchements je deviens bilingue et couds des sculptures. J’apprends à nouveau que le professeur peut trahir, que je suis la capitaine à bord. Ce sera le début d’une pensée indépendante, têtue et affranchie.
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Saint-Malo, sans jamais avoir visité la ville, je m’y installe. Il parait que c’est en Bretagne que l’on devient meilleur marin.
Cette métaphore de la traversée en solitaire devient l’entreprise ; mener ma barque.
Encore une fois la vie va plus vite que moi, et me force à admettre que je souhaiterais réaliser un nouveau rêve.
OURKA a bientôt 5 ans, elle grandit doucement, discrète.
De rencontres en collaborations, je déploie la voilure de mon embarcation.
C’est une chose d’être obstinée et de savoir ce que l’on veut, c’en est une autre que de tenir des mains solides pour y arriver, de s’entourer de coeurs bienveillants, un peu fous, prêts à me voir réussir.
Merci à tous ceux qui m’ont accompagnée, et ceux qui me soutiennent aujourd’hui.
Vous êtes mon trésor.
Claire
At the dawn of my 13th birthday, I admire these frozen female silhouettes, the pencil pressed too heavily on typewriter paper:
« That’s what I want to do. »
Draw the garment.
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From that moment on, middle school and high school were just bland and laborious stages while waiting for fashion school! I compulsively drew wardrobes and bodies, again and again.
A-levels, and a single wish for study, nothing else. My (carefree) parents helped me settle in Paris even before I was accepted into the only school I wanted, Duperré.
The selection interview discourages me, but I don’t forget to tell them, feverishly: if it’s not now, you’ll see me again next year.
Arrogant, yes, unconscious, too.
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I receive my acceptance letter, I cry. And I have a thought, not a tender one, for all those professors who, to justify their own disappointments, have too often explained to me that this profession was a mistake, in a « clogged » sector, an overly « selective » environment.
Everything remains to be accomplished, but I am precisely where I wanted to be. Paris, Duperré; goodbye to the jaded.
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It’s the great life in Paris.
My dream unfolds beneath my feet, I stumble, but I love other flamboyant ones who make me grow.
I also perceive the dark side of this narrow city which could absorb me, box me in.
A friend calls me: “Come to Belgium, it’s a great school, the exam is in two months.”
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Antwerp. Intimidated. The students are enlightened by the power of the young artists. Three days of competition, an interview during which I border on discomfort with broken English and convulsive enthusiasm. The names fall, the candidates too; with disappointment, with joy.
I’m beginning to grasp the significance of the moment. My name is called; I’m moving to Belgium, joyful and completely stunned.
Crazy years, personal victories I may never experience again, personalities beyond my imagination, friendship, pure creativity and a multitude of sleepless nights.
Pushed to my limits, I become bilingual and sew sculptures. I learn again that the teacher can betray, that I am the captain on board. This will be the beginning of independent, stubborn, and liberated thinking.
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Saint-Malo, without ever having visited the city, I settled there. It seems that it is in Brittany that one becomes a better sailor.
This metaphor of the solitary crossing becomes the enterprise: steering my boat.
Once again, life is moving faster than me, and is forcing me to admit that I would like to realize a new dream.
OURKA is almost 5 years old, she is growing slowly, discreetly.
From meetings to collaborations, I deploy the sails of my boat.
It’s one thing to be stubborn and know what you want, it’s another to hold strong hands to get there, to surround yourself with kind, slightly crazy hearts, ready to see me succeed.
Thank you to all those who have accompanied me, and those who support me today.
You are my treasure.
Claire.